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Il n’en est pas : Donc, il faut empêcher que le vent de la fortune politique ne souffle de ce côté. Comme tout doit converger vers lui et servir à son avancement personnel, il est hostile a tout ce qui ne concourt pas à ce résultat.

Certains hauts personnages ont cru faire une conquête on s’attachant M. Chapleau. Ils croient, avoir gagné son adhésion absolue à leurs doctrines. C’est une illusion. Ce n’est pas l’amour pour leurs principes, c’est son intérêt d’abord, puis un sentiment de haine contre leurs adversaires qui l’ont jeté dans leurs bras.


V


M. Chapleau est un enfant gâté qui non seulement veut dominer le jeu, mais qui l’absorbe. Il est le moi incarné. Lui est tout, et tout est lui. Tout doit tendre à ce qui est lui : servir sa volonté, son orgueil, son plaisir.

Tant mieux pour les autres si ça les amuse : tant pis si ça les ennuie.

Tyran en herbe, il accapare tous les joujoux, commence le jeu qu’il veut, quand il le veut et où il le veut. Puis, sans égard à aucune règle, il met fin à la partie quand ça lui plaît. Il exclut du jeu qui il veut ou admet qui il veut, choye celui-ci, persécute celui-là, suivant son caprice.

Il sera bon enfant à ses heures, et vis-à-vis certains camarades, leur livrera tout son biblot, mais à la condition qu’ils proclament sa bienveillance, qu’ils reconnaissent que c’est lui qui les fait jouer. Puis, au moment le plus inattendu, il reprendra tous les joujoux, les changera, bouleversera tous les jeux, obligera ses compagnons à changer d’amusements contre leur désir.

Voilà comment il agit avec ses favoris. Mais vis-à-vis les autres, il sera inexorable et il les poursuivra d’une haine constante, les exclura de tout amusement à perpétuité.

D’un autre côté, voyez-le à table : Ce n’est pas, diront ses intimes, qu’il soit gourmand outre mesure, pourvu que lui et lui seul ait en mains le pot aux confitures. Il n’en mangera pas plus qu’à sa faim ; mais il n’en donnera qu’à ceux qui ont trouvé grâce auprès de lui. Ceux-là, il les gorge à gogo, leur en barbouille les joues jusqu’aux oreilles, leur en fourre même dans le nez !… Mais pour ceux qui n’ont pas eu le don de lui plaire au jeu, qui n’ont pu consentir à cacher ses petites fredaines ou vanter ses tours de gobelet, oh ! il en fera de petits pâtiras. Ils jeûneront ! Et si ça dépend de lui, jamais ! au grand jamais ! ils ne goûteront aux confitures.