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D’ailleurs, d’après les principes de la Clique, ce n’est pas, encore une fois, dans le parlement qu’il importe de choisir le premier : c’est dans l’entourage de la clique !

Quand M. Mousseau se faisait le compétiteur de M. Chapleau au portefeuille fédéral en 1878, il n’était, aux yeux de la clique, qu’un homme inférieur et, sans importance. Malgré qu’il fût, depuis plusieurs années, député fédéral, il était tellement inférieur à M. Chapleau qui, lui, n’était jamais allé aux communes, qu’il ne pouvait un instant soutenir la comparaison avec lui.

Mais dès que ce dernier veut le faire Premier de Québec, le voilà de suite sacré grand homme !

Lisez la Minerve : M. Chapleau, fatigué, ne peut plus suffire à la tâche herculèenne de conduire la barque de Québec ; il faut un géant si non plus fort, du moins plus vigoureux que M. Chapleau épuisé. Cet homme, ce sera M. Mousseau. On le souffle, on le gonfle, on le surfait… Bref ! s’il était possible d’enfler davantage notre gros Mousseau, on en ferait presqu’un petit Chapleau !

Maintenant, il ne peut plus dire un mot sans que ce ne soit du sublime. Son discours-programme, un tas de lieux communs, où seul manque la déclaration qu’il appuiera les bonnes mesures, c’est un chef d’œuvre, dit la Minerve. Cela fait songer à ces féeries parisiennes où chaque mouvement du héros prend des proportions mirobolantes : Agamemnon se mouche ; et derrière la scène, un puissant cornet-à-piston éclate en sons stridents que l’on dirait sortir du nez royal !… Ainsi en est-il désormais de M. Mousseau.

Qu’il se meuve, qu’il fasse une contraction de mâchoire ou déplace son abdomen ; qu’il se mouche ou qu’il crache : c’est du grandiose !

M. Mousseau, voyez-vous, qui était un pas grand chose à Ottawa, est devenu presque divin, en recueillant à Québec, lorsqu’il s’envolait vers Ottawa, le manteau du grand homme.

Rien ne lui manque plus, pas même les maladies officielles de son chef : malgré sa robuste constitution, les constatations périodiques de l’état de son poulx, la marche de sa digestion et surtout ses rhumes de cerveau viendront tour-à-tour nous réjouir ou nous faire trembler.

Bien heureux, par exemple ! s’il sait tirer, de ses maladies à demande, les ressources oratoires et les effets diplomatiques que savait obtenir des siennes l’habile M. Chapleau.


VI


Nous sommes donc gouvernés par une petite oligarchie méprisable et tyrannique, mais grotesque et prétentieuse, qui n’a pas même l’ombre d’un titre à l’exercice du pouvoir, puisqu’elle existe par la