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Page:Catherine-pozzi-agnes-1927.djvu/15

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saurez tout de suite si, oui ou non, je vaux l’amour. Peut-être dans très longtemps… Alors, la liasse sera énorme. Que penserez-vous ?

Ah, ma vie est changée depuis que j’ai eu l’idée de vous écrire. J’ai un ami, maintenant ; j’ai mon ami, le mien, celui à qui j’appartiendrai quand je serai une femme. Je l’ai tout de suite, je peux lui parler. Il ne peut pas répondre, mais cela ne fait rien.

Ce qui était difficile à supporter, c’était d’être jeune sans vous, de sentir ma vie couler de mes mains, de mes yeux, de mon âme, et se perdre vers toutes les choses et tous les gens pendant votre absence ! Parfois c’était une vie quelconque et je ne la regrettais pas ; d’autres fois c’étaient si bien la minute, la robe, la pensée qui vous auraient ravi, que j’en voulais au temps. Le sort des femmes dépend excessivement du hasard : elles vous rencontrent trop tôt, trop tard, et celles qui vous rejoignent quand même ne vous ont jamais à l’heure qui serait la plus délicieuse. Elles ont beau être prêtes, attendre, dire « maintenant, maintenant… »