Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/253

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identifié. Ceux-là, par l’amour, se sont comme identifiés, et de diverses manières, à la terre ; ils sont devenus terre. Celui-ci ne fait plus qu’un avec la richesse, celui-là avec les honneurs, cet autre avec ses enfants ; l’un me délaisse pour servir les créatures, l’autre fait de son corps un animal immonde. Ainsi, quel que soit leur état, ils ont l’appétit de la terre, ils se repaissent de terre. Ils voudraient que ces choses fussent durables, et elles ne le sont pas : elles passent comme le vent. Ou la mort les arrache à ce qu’ils aiment, ou ce qu’ils aiment leur est enlevé par ma Providence. Cette privation est pour eux une souffrance intolérable. Si grand était l’amour désordonné de leur possession ! Non moins grande est la douleur de leur perte !

S’ils les avaient possédées, comme choses prêtées, et qui n’étaient point vraiment à eux, ils n’en auraient point maintenant de regret. Leur affliction provient donc de ce qu’ils n’ont point ce qu’ils désirent. Le monde, comme je t’ai dit, est impuissant à les rassasier ; n’étant point rassasiés, ils sont dans la souffrance. Et quel supplice, que cet aiguillon de la conscience ! Quelle torture que cette soif de vengeance, qui continuellement dévore au dedans, brûle de tuer, et qui a mis à mort l’âme du vindicatif, avant d’avoir abattu son ennemi ! Quelle tristesse inquiète que celle de l’avare, qui, pour sacrifier à son vice, chaque jour retranche davantage sur ses besoins ! Et quel tourment que celui de l’envieux, qui perpétuellement se ronge le cœur, et sans cesse est en souffrance du bonheur d’autrui