Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/265

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nature ne peut désirer que le bien. Ainsi le vice est coloré ; il porte les couleurs du bien personnel ; c’est sous ce masque qu’il s’offre à l’âme, et parce que l’œil, dans son aveuglement, ne discerne pas, ne connaît pas la vérité, elle se trompe, en cherchant le bien et les délices là où ils ne sont pas. Je t’ai déjà dit que les délices du monde, en dehors de moi, ne sont qu’épines empoisonnées. Ainsi donc, tout à la fois, l’intelligence est illusionnée dans sa vision, la volonté est trompée dans son amour en aimant ce qu’elle ne doit pas aimer, la mémoire est abusée, dans les impressions qu’elle en conserve.

L’intelligence fait comme le voleur qui dépouille autrui ; il en est de même de la mémoire qui conserve le souvenir continuel de ces choses, qui sont hors de moi, et par là l’âme est privée de la vie de la grâce. Telle est l’unité de ces trois puissances que je ne puis être offensé par l’une sans que toutes les trois m’offensent, parce que l’une communique à l’autre, comme je te l’ai dit, le bien ou le mal, au gré du libre arbitre. Le libre arbitre est lié lui-même à la volonté, et il la meut comme il lui plaît, ou par la lumière ou sans la lumière de la raison. Vous avez en vous la raison qui est unie à Moi, tant que le libre arbitre ne l’en a pas séparée par un amour désordonné, et vous avez aussi la loi perverse qui est toujours en lutte contre l’esprit. Il y a donc deux parties en vous : la sensualité et la raison. La sensualité est une servante ; elle est faite pour servir l’âme, pour vous permettre de prouver et d’exercer la vertu, par l’instrument du corps.