Page:Catherine de Sienne - Le Dialogue, Hurtaud, 1913, I.djvu/290

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votre dû suivant votre mérite ; mais je ne me manifesterai pas moi-même à vous. Les secrets intimes on les livre à son ami ; parce qu’on ne fait qu’un avec son ami. On ne fait pas qu’un avec son serviteur.

Le serviteur, il est vrai, peut croître en vertu, se rapproche de son maître par l’amour et devenir enfin son ami très cher. Mais tant qu’ils se contentent d’un amour mercenaire, je ne me manifeste pas moi-même à eux. S’ils rougissent de leur imperfection, s’ils se mettent à aimer la vertu, s’ils s’emploient avec haine à arracher d’eux-mêmes la racine de l’amour-propre spirituel, si, du haut du tribunal de la conscience et faisant appel à la raison, ils ne souffrent dans leur cœur aucun mouvement de crainte servile et d’amour mercenaire sans les redresser par la lumière de la très sainte Foi, je te dis qu’en agissant ainsi, ils me seront si agréables, qu’ils auront accès au cœur de l’ami. Je me manifesterai moi-même à eux, ainsi que l’a proclamé ma Vérité quand elle a dit : Celui qui m’aimera sera une même chose avec moi et moi avec lui. Je me manifesterai moi-même à lui et nous demeurerons ensemble (Jn 14, 21.35).

Telle est en effet l’union qui existe entre deux amis très chers : ils sont deux corps, mais une seule âme par sentiment d’amour, parce que l’amour transforme dans la chose aimée. S’ils ne forment plus qu’une âme, aucun secret n’est possible entre eux désormais. C’est pourquoi, dit ma Vérité, "Je viendrai et nous demeurerons ensemble." C’est la vérité même.