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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/102

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Pour dire la vérité, je crois que madame de Soubise et madame de Montespan n’aimoient guère plus le Roi l’une que l’autre. Toutes deux avoient de l’ambition ; la première pour sa famille, la seconde pour elle-même. Madame de Soubise vouloit élever sa maison et l’enrichir ; madame de Montespan vouloit gouverner et faire sentir son autorité. Mais je ne pousserai pas plus loin le parallèle ; je dirai seulement que, si l’on en excepte la beauté et la taille, qui pourtant n’étoient en madame de Soubise que comme un beau tableau ou une belle statue, elle ne devoit pas disputer un cœur avec madame de Montespan. Son esprit uniquement porté aux affaires rendoit sa conversation froide et plate ; madame de Montespan, au contraire, rendoit agréables les matières les plus sérieuses, et ennoblissoit les plus communes : aussi je crois que le Roi n’a jamais été fort amoureux de madame de Soubise, et que madame de Montespan auroit eu tort d’en être inquiète. Bien des gens ont cru M. le cardinal de Rohan fils du Roi[1] ; mais s’il y a eu un des enfans de madame de

  1. Armand-Gaston-Maximilien de Rohan (1674-1749), évêque de Strasbourg, cardinal et grand aumônier de France, prit une part active aux querelles suscitées par la bulle Unigenitus. Ce fut lui qui sacra l’abbé Dubois, archevêque de Cambrai. Il paraît qu’il ne repoussait nullement la supposition rapportée par madame de Caylus. « Le cardinal, dit le marquis d’Argenson, en parlant quelquefois de lui-même, laisse entendre avec une sorte de modestie qu’il doit avoir quelque ressemblance avec Louis XIV, tant dans la figure que dans le caractère. En effet, madame la princesse de Soubise, sa mère, étoit très belle. L’on sait que Louis XIV en fut amoureux et l’époque de ce penchant