qui composoient sa machine ; et, pour réunir les deux objets de sa folie, elle s’imaginoit que sa beauté et la perfection de son tempérament procédoient de la différence que la naissance avoit mise entre elle et le commun des hommes.
Madame de Thianges étoit l’aînée de plus de dix ans de madame de Montespan, et je ne sais comment il se pouvoit faire qu’ayant une mère aussi vertueuse[1] elle eût été élevée avec autant de liberté. Je n’en serois pas étonnée de la part de M. le duc de Mortemart, leur père, qui, je crois, n’étoit pas fort scrupuleux, et dont j’ai entendu raconter plusieurs bons mots, qui sont autant de preuves de la mauvaise humeur de la femme, et du libertinage du mari, tels que celui-ci : M. de Mortemart étant rentré fort tard, à son ordinaire, sa femme, qui l’attendoit, lui dit : D’où venez-vous ? passerez-vous ainsi votre vie avec des diables ? À quoi M. de Mortemart répondit : Je ne sais d’où viens ; mais je sais que mes diables sont de meilleure humeur que votre bon ange.
- ↑ « Qu’étoit madame la duchesse de Mortemart. » Var. de l’édition Monmorqué.
plaisanteries à la cour. On la raillait encore, plus de dix ans après la mort de madame de Thianges, lorsque le fils du bonhomme Chamillard épousa mademoiselle de Mortemart.
Si pour punir ta vanité,
Orgueilleuse Thiange,
Là-bas on n’a point inventé
Quelque supplice étrange,
Apprends-y qu’une Mortemart,
Qui l’eut jamais pu croire ?
Vient d’épouser un Chamillard :
Quel affront pour ta gloire ?