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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/124

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si j’en crois ce que madame de Maintenon m’en a souvent dit.

Par la suite des temps, Mademoiselle négocia avec madame de Montespan le retour de M. de Lauzun ; et c’est à cette considération qu’elle fit une donation à M. le duc du Maine de la souveraineté de Dombes et du comté d’Eu[1] : mais M. de Lauzun ne fit que saluer le Roi, et vécut ensuite à Paris jusqu’à la révolution d’Angleterre, dont je parlerai ailleurs.

Monseigneur fut marié en 1680[2], et madame de Maintenon, entrant en charge dans ce temps-là n’eut plus rien à démêler avec madame de Montespan.

Elles ne se voyaient plus l’une chez l’autre ; mais, partout où elles se rencontroient, elles se parloient

  1. Il ne fut pas facile d’obtenir de Mademoiselle qu’elle renonçât à ces deux domaines. Au moment où son mariage avait dû se conclure, elle les avait donnés à Lauzun et il lui répugnait de l’en dépouiller. Mais enfin le désir d’assurer la liberté de son amant triompha de sa résistance. Il fallut alors amener Lauzun à accepter cet arrangement, et l’on n’y parvint pas sans peine ; Lauzun fut donc délivré, mais dut rester en exil. Mademoiselle, irritée de son absence, se plaignit hautement qu’après l’avoir impitoyablement rançonnée, madame de Montespan ne tenait pas la parole promise. Elle fit tant de bruit que Lauzun fut autorisé à revenir à Paris, toutefois à la condition de ne pas approcher plus près de deux lieues de tout endroit où le roi serait.

    Les deux amants s’unirent-ils alors par un mariage secret ? il est impossible de l’affirmer ; nous savons seulement qu’ils vécurent en assez mauvaise intelligence. Mademoiselle, dure et emportée, battait souvent Lauzun, qui « se lassa d’être battu, dit Saint-Simon, et à son tour battit bel et bien Mademoiselle, tant qu’à la fin, lassés l’un de l’autre, ils se brouillèrent une fois pour toutes, et ne se revirent jamais depuis. »

  2. Monseigneur épousa Marie-Anne-Victoire de Bavière, le 7 mars 1680.