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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/14

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la première et la plus gracieuse inspiration de sa muse sénile :


Me ditM’abandonnant à la tristesse,
Me ditSans espérance, sans désirs,
Me ditJe regrettois les sensibles plaisirs
Me ditDont la douceur enchanta ma jeunesse.
Me dit« Sont-ils perdus, disois-je sans retour ?
Me ditEt n’es-tu pas cruel, Amour,
Me ditToi que je fis dès mon enfance
Me ditLe maître de mes plus beaux jours,
Me ditD’en laisser terminer le cours
Me ditPar l’ennuyeuse indifférence ? »
Me ditAlors j’aperçus dans les airs
Me ditL’enfant maître de l’univers,
Me ditQui, plein d’une joie inhumaine,
Me dit en souriant « Tircis, ne te plains plus
Me ditJe vais mettre fin a ta peine
Me ditJe te promets un regard de Caylus.
»


Sur ces entrefaites, en 1704, le comte de Caylus vint à mourir. Il n’avait jamais tenu beaucoup de place dans le cœur de sa femme et elle n’eut garde de perdre son temps à le pleurer. Saint-Simon qui enregistre sa mort, lui donne en guise d’oraison funèbre un de ces coups de griffe qu’il prodiguait si libéralement à ses contemporains

« Au commencement de novembre, mourut sur la frontière de Flandre, un homme qui fit plaisir à tous les siens : ce fut Caylus, frère de celui d’Espagne et de l’évêque d’Auxerre, cousin germain d’Harcourt, qui avoit épousé la fille de Villette, lieutenant général des armées navales, cousin germain de