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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/15

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madame de Maintenon qui avoit toujours pris soin d’elle comme sa propre mère…

« Ce mari blasé, hébété depuis plusieurs années de vin et d’eau-de-vie, étoit tenu à servir, hiver comme été sur la frontière, pour qu’il n’approchât ni de sa femme ni de la cour. Lui aussi ne demandoit pas mieux, pourvu qu’il fût toujours ivre. Sa mort fut donc une délivrance dont sa femme, et ses plus proches ne se contraignirent pas de la trouver telle. »

Peu après on vit madame de Caylus renoncer par un caprice inexplicable aux plaisirs d’une société élégante et polie dont elle était le plus bel ornement, pour se plonger dans une dévotion outrée. Ici encore nous devons laisser la parole à Saint-Simon qui narre avec sa causticité familière cet épisode singulier de la vie de madame de Caylus.

« Elle avoit, dit-il, mis son exil à profit. Elle étoit retournée à Dieu de bonne foi ; elle s’étoit mise entre les mains du P. de la Tour, qui fut ensuite, s’il ne l’étoit déjà, général des Pères de l’Oratoire. Depuis que le P. de la Tour conduisoit madame de Caylus, la prière continuelle et les bonnes œuvres partagèrent tout son temps et ne lui en laissèrent plus pour aucune société ; le jeûne étoit son exercice ordinaire et depuis l’office du jeudi-saint jusqu’à la fin de celui du samedi, elle ne sortoit point de Saint-Sulpice, avec cela toujours gaie, mais mesurée, et ne voyant plus que des personnes tout à fait dans la piété et