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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/35

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à son ajustement, ce qui peut-être, venoit autant de la connoissance qu’elle avoit de ses propres forces, que de son indifférence pour plaire.

Après avoir admiré la droiture de son bon sens dans les conversations sérieuses, si on se mettoit à table elle en devenoit aussitôt la Déesse ; alors elle me faisoit souvenir de l’Hélène d’Homère. Ce poète, pour faire connoitre les effets de sa beauté et de son esprit, feint qu’elle jetoit dans le vin une plante rare qu’elle avoit apportée d’Égypte, et dont la vertu faisoit oublier tous les déplaisirs qu’on avoit jamais eus. Madame de Caylus menoit plus loin qu’Hélène ; elle répandoit une joie si douce et si vive, un goût de volupté si noble et si élégant dans l’âme de ses convives, que tous les caractères paroissoient aimables et heureux, tant est surprenante la force, ou plutôt la magie d’une femme qui possède de véritables charmes.

Je me souviens que mademoiselle de Lenclos, qui s’est rendue si illustre par son esprit et plus encore pour avoir su conserver les vertus morales avec des goûts qui communément dans les femmes les excluent, comparoit madame la comtesse de La Fayette à ces riches campagnes de Beaune qui rapportent d’excellent fromage, et madame de La Sablière à un joli parterre qui charme les yeux. On peut dire que madame de Caylus joignoit la solidité