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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/58

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Le maréchal d’Albret[1], qu’elle avoit connu, chez M. Scarron, l’avoit liée d’amitié avec sa femme, preuve certaine encore de la vertu qu’il avoit reconnue dans madame Scarron ; car les maris de ce temps-là, quelque galants qu’ils fussent, n’aimoient pas que leurs femmes en vissent d’autres dont la réputation eût été entamée.

Madame la maréchale d’Albret étoit une femme de mérite, sans esprit ; mais madame de Maintenon, dont le bon sens ne s’égara jamais, crut, dans un âge aussi peu avancé, qu’il valoit mieux s’ennuyer avec de telles femmes, que de se divertir avec d’autres.


    situation précaire ; M. Depping, dans sa Correspondance administrative sous Louis XIV, a publié une curieuse preuve de ce fait ; c’est un brevet qui lui fut délivré pour l’exploitation de fours et cheminées nouvellement inventées. Voici ce document : « Aujourd’huy, dernier septembre 1674, le roi estant à Versailles, voulant gratiffier et traiter favorablement dame Françoise d’Aubigny, veuve du feu sieur Scarron, S. M. luy a accordé et fait don du privilège et faculté de faire des astres (âtres) à des fourneaux, fours et cheminées d’une nouvelle invention, sans pouvoir néantmoins obliger les particuliers à s’en servir et prendre plus grande somme que celle dont il aura esté convenu, ni prétendre aucun droit de visitte. Fait S. M. deffenses à toutes personnes de faire ny contrefaire lesdits astres à peine de 1500 livres d’amende ; m’ayant, S. M., commandé d’expédier à la dite veuve Scarron, toutes lettres à ce nécessaires et ce pendant le présent brevet qu’elle a signé de sa main et fait contresigner par moy… Colbert. » Qu’est-il’advenu de cette invention ? Il est impossible de le dire, car aucun contemporain n’en a parlé ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’exploitation du brevet n’enrichit pas la veuve Scarron.

  1. César-Phébus d’Albret, comte de Miossens et sire de Pons, (né en 1614 mort en 1676), fut nommé maréchal de France (1653) en récompense de son attachement à Mazarin, et devint en 1670 gouverneur de Guyenne. Tallemant des Réaux lui a consacré une de ses Historiettes.