Aller au contenu

Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces choses qui ne s’écrivent point et qu’on oublie, je veux en faire un article dans mes Souvenirs[1].

Madame de La Vallière étoit née tendre et vertueuse : elle aima le Roi et non la royauté. Le Roi cessa de l’aimer pour madame de Montespan. Si, à la première vue, ou du moins après des preuves certaines de cette nouvelle passion, elle s’étoit jetée dans les Carmélites, ce mouvement auroit été naturel et conforme à son caractère : elle prit un autre parti, et demeura non seulement à la cour, mais même à la suite de sa rivale. Madame de Montespan, abusant de ses avantages, affectoit de se faire servir par elle, donnoit des louanges à son adresse, et assuroit qu’elle ne pouvoit être contente de son ajustement si elle n’y mettoit la dernière main. Madame de La Vallière s’y portoit, de son côté, avec tout le zèle d’une femme de chambre dont la fortune dépendroit des agrémens qu’elle prêteroit à sa maîtresse.

  1. Tous les contemporains qui ont parlé de madame de La Vallière sont unanimes à reconnaître sa douceur, sa modestie, et l’affection profonde et désintéressée qu’elle avait pour le roi. « Mademoiselle de La Vallière, dit l’abbé de Choisy, dans ses Mémoires, avait le teint beau, les cheveux blonds, le sourire agréable, les yeux bleus et le regard si tendre et en même temps si modeste, qu’il gagnait le cœur et l’estime au même moment ; au reste, assez peu d’esprit, qu’elle ne laissait pas d’orner tous les jours par une lecture continuelle, Point d’ambition, point de vices, toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; l’humeur douce, libérale, timide, n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin. » Et la princesse Palatine : « C’était une personne tout à fait agréable, bonne, douce, tendre. Elle n’avait pas aimé le roi par ambition, mais elle avait pour lui une passion sincère, et de sa vie elle n’a aimé personne si ce n’est lui. » (Lettre du 6 août 1717).