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Combien de dégoûts[1], de plaisanteries et de dénigremens n’eut-elle pas à essuyer pendant l’espace de deux ans qu’elle demeura ainsi à la cour, à la fin desquels elle vint prendre publiquement congé du roi ! Il la vit partir d’un œil sec pour aller aux Carmélites, où elle a vécu d’une manière aussi édifiante que touchante.
Elle disoit souvent à madame de Maintenon, avant
- ↑ Empruntons à la princesse Palatine une page curieuse qui complète les renseignements donnés par madame de Caylus. « C’est à l’instigation de la Montespan que le roi a si mal traité La Vallière ; elle en avait le cœur percé ; mais la pauvre créature s’imaginait qu’elle ne pouvait faire un plus grand sacrifice à Dieu, qu’en lui sacrifiant la source de ses péchés, et elle croyait être d’autant plus agréable à Dieu que la pénitence viendrait du même lieu où elle avait péché. Aussi restait-elle, par pénitence, chez la Montespan. Celle-ci qui avait plus d’esprit se moquait d’elle publiquement, la traitait fort mal, et obligeait le roi à en agir de même. Il fallait que le roi traversât la chambre de La Vallière lorsqu’il voulait aller chez la Momtespan. Le roi avait un bel épagneul appelé Malice ; à l’instigation de la Montespan, il prenait ce petit chien et le jetait à la duchesse de La Vallière, en disant : Tenez madame, voilà votre compagnie, c’est assez. Cela était d’autant plus dur qu’il ne restait pas chez elle, mais qu’il allait chez la Montespan. Cependant elle a souffert tout cela en patience. Elle avait autant de vertus que la Montespan avait de vices. La faiblesse qu’elle avait eue pour le roi était bien pardonnable : tout le monde le lui avait conseillé et y avait contribué. Le roi était jeune, galant et beau ; elle-même était encore très jeune, mais dans le fond elle était modeste et vertueuse, et avait un très bon cœur. Lorsqu’on la fit duchesse et qu’on légitima ses enfants, elle fut désespérée, car elle avait cru que personne ne saurait qu’elle avait eu des enfants. Ses regards avaient un charme qu’on ne peut décrire, elle avait une taille fine, mais de vilaines dents ; ses yeux me paraissaient bien plus beaux que ceux de madame de Montespan ; tout son maintien était modeste. Elle boitait légèrement, mais cela ne lui allait pas mal. » (((Lettre du 14 avril 1719.)