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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/80

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de dire un mot des commencemens de leur connoissance pour en raconter les suites.

Madame de Maintenon m’a dit souvent qu’elle avoit connu madame de Montespan chez le maréchal d’Albret, et qu’elle n’avoit point alors cette humeur qu’elle a fait paroître depuis ; ajoutant que ses sentimens étoient honnêtes, sa conduite réglée, et sa réputation bien établie.

Elle devint peu après dame du palais de la reine, par la faveur de Monsieur, et le roi ne fit alors aucune attention à sa beauté : toute sa faveur se bornoit à sa maîtresse, qu’elle amusoit à son coucher qui duroit long-temps, parce que la reine s’étoit fait une habitude d’attendre toujours le roi pour se mettre au lit. Cette princesse étoit si vertueuse qu’elle n’imaginoit pas facilement que les autres femmes ne fussent pas aussi sages qu’elle ; et, pour faire voir jusqu’à quel point alloit son innocence, quoique avec beaucoup de hauteur dans ses sentimens, il suffit de rappeler ici ce qu’elle dit à une carmélite, qu’elle avoit priée de l’aider à faire son examen de conscience pour une confession générale qu’elle avoit dessein de faire. Cette religieuse lui demanda si, en Espagne, dans sa jeunesse, avant d’être mariée, elle n’avoit point eu envie de plaire à quelques-uns des jeunes gens de la cour du roi son père : Oh ! non, ma mère, dit-elle, il n’y avoit point de roi[1].

  1. Ce mot, comme la plupart de ceux que l’on prête aux grands personnages, ne résiste pas à un examen sérieux. Vol-