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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/87

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Le comte du Vexin mourut jeune, et ne vécut que pour faire voir par ses infirmités qu’il étoit heureux de mourir. Madame de Montespan ne haïssoit ni les remèdes ni les expériences ; et j’ai ouï dire qu’on lui avoit fait treize cautères le long de l’épine du dos. On le destinoit à l’Église, et il possédoit déjà plusieurs grands bénéfices, entre lesquels étoit l’abbaye de Saint-Denis, qui fut depuis donnée à la maison royale de Saint-Cyr.

Mademoiselle de Tours, leur sœur, mourut à peu près au même âge, de huit à neuf ans. La quatrième étoit mademoiselle de Nantes[1], dont j’aurai souvent occasion de parler dans mes Souvenirs. Je dirai seulement ici qu’on n’oublioit rien dans son éducation pour faire valoir les talens propres à plaire qu’elle avoit reçus de la nature. Elle répondit parfaitement à son éducation ; mais ses grâces et ses charmes sont bien au-dessus de mes éloges. Ce n’est pourtant ni une taille sans défaut, ni ce qu’on appelle une beauté parfaite. Ce n’est pas non plus, à ce que je crois, un esprit d’une étendue infinie. Quoi qu’il en soit, elle a si bien tout ce qu’il faut pour plaire, qu’on ne juge de ce qui lui manque que lorsque la découverte de son cœur laisse la raison libre. Cette découverte devroit être aisée à faire, puisqu’elle ne s’est jamais piquée d’amitié ; cependant la pente naturelle qu’on a à se flatter soi-même, et la séduction de ses agrémens est telle qu’on ne l’en veut pas croire elle--

  1. Depuis duchesse de Bourbon.