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Page:Caylus - Souvenirs et correspondance.djvu/88

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même, et qu’on attend pour se désabuser une expérience personnelle, qui ne manque guère.

Après ces cinq enfans, madame de Montespan fut quelque temps sans en avoir et ce fut dans cet intervalle que se fit cette fameuse séparation, et ce raccommodement si glorieux à M. l’évêque de Meaux, à madame de Montausier, et à toutes les personnes de mérite et de vertu qui étoient alors à la cour.

La rupture se fit dans le temps d’un jubilé. Le Roi avoit un fond de religion qui paroissoit même dans ses plus grands désordres avec les femmes ; car il n’eut jamais que cette foiblesse. Il étoit né sage et si régulier dans sa conduite, qu’il ne manqua d’entendre la messe tous les jours que deux fois dans toute sa vie, et c’étoit à l’armée.

Les grandes fêtes lui causoient des remords, également troublé de ne pas faire ses dévotions ou de les faire mal. Madame de Montespan avoit les mêmes sentimens ; et ce n’étoit pas seulement pour se conformer à ceux du Roi qu’elle les faisoit paroître. Elle avoit été parfaitement bien élevée par une mère d’une grande piété, et qui avoit jeté dans son cœur des semences de religion dès sa plus tendre enfance, dont elle ne se défit jamais. Elle les fit voir, comme le Roi, dans tous les temps ; et je me souviens d’avoir ouï raconter que, vivant avec le roi de la façon dont je viens de parler, elle jeûnoit si austèrement les carêmes, qu’elle faisoit peser son pain.

Un jour la duchesse d’Uzès, étonnée de ses scrupules, ne put s’empêcher de lui en dire un mot. Eh