Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/213

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— Ô Alvare ! me répondit-elle, je suis femme, depuis six mois, et ma passion, il me le semble, n’a pas duré un jour. Pardonnez si la plus douce des sensations enivre un cœur qui n’a jamais rien éprouvé. Je voudrais vous montrer à aimer comme moi ; et vous seriez, par ce sentiment seul, au-dessus de tous vos semblables ; mais l’orgueil humain aspire à d’autres jouissances. L’inquiétude naturelle ne lui permet pas de saisir un bonheur, s’il n’en peut envisager un plus grand dans la perspective. Oui, je vous instruirai, Alvare. J’oubliais avec plaisir mon intérêt ; il le veut, puisque je dois retrouver ma grandeur dans la vôtre ; mais il ne suffit pas de me promettre d’être avec moi, il faut que vous vous donniez et sans réserve et pour toujours. »

Nous étions assis sur un banc de gazon, sous un abri de chèvrefeuille au fond du jardin ; je me jetai à ses genoux. « Chère Biondetta, lui dis-je, je vous jure une fidélité à toute épreuve.

— Non, disait-elle, vous ne me connaissez pas, vous ne me connaissez pas ; il me faut un abandon absolu. Il peut seul me rassurer et me suffire. »

Je lui baisais la main avec transport, et redoublais mes serments ; elle m’opposait ses craintes. Dans le feu de la conversation, nos têtes se pen-