Page:Cazotte - Le Diable amoureux.djvu/277

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plus impérieusement qu’elle ne peut être réprimée par la raison. Elle me livre sans défense à mon ennemi : il en abuse et me rend aisément sa conquête.

Il ne me donne pas le temps de revenir à moi, de réfléchir sur la faute dont il est beaucoup plus l’auteur que le complice. « Nos affaires sont arrangées, me dit-il, sans altérer sensiblement ce ton de voix auquel il m’avait habitué. Tu es venu me chercher : je t’ai suivi, servi, favorisé ; enfin, j’ai fait ce que tu as voulu. Je désirais ta possession, et il fallait, pour que j’y parvinsse, que tu me fisses un libre abandon de toi-même. Sans doute, je dois à quelques artifices la première complaisance ; quant à la seconde, je m’étais nommé : tu savais à qui tu te livrais, et ne saurais te prévaloir de ton ignorance. Désormais notre lien, Alvare, est indissoluble ; mais pour cimenter notre société, il est important de nous mieux connaître. Comme je te sais déjà presque par cœur, pour rendre nos avantages réciproques, je dois me montrer à toi tel que je suis. »

On ne me donne pas le temps de réfléchir sur cette harangue singulière : un coup de sifflet très-aigu part à côté de moi. À l’instant l’obscurité qui m’environne se dissipe : la corniche qui surmonte le