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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

que nous travaillons à défendre vos prêtres, et non à leur faire mal. » — À peine se furent-ils retirés que le signor Orazio Baglioni arriva en courant. Je lui criai de ne point avancer, sinon que je le tuerais, attendu que je savais très-bien qui il était. Il n’osa bouger, et ce fut, non sans éprouver quelque crainte, qu’il me dit : — « Benvenuto, je suis ton ami. » — « Signor, répondis-je, montez seul, et venez comme il vous plaira. » — Ce gentilhomme, dont la fierté était extrême, s’arrêta un instant, et me dit d’un air mécontent : — « Je suis bien tenté de ne pas monter et d’exécuter précisément le contraire de ce que j’avais envie de faire pour toi. » — À cela je ripostai que, si l’on m’avait jugé apte à défendre les autres, je n’étais pas moins capable de me défendre moi-même. Il me dit alors qu’il se présenterait seul. Lorsqu’il fut monté, il avait le visage si bouleversé, que je portai la main à mon épée, en le regardant de travers. Bientôt il se dérida, et me dit gracieusement : — « Benvenuto mio, je te veux tout le bien imaginable, et je te le prouverai en temps et lieu. Plût à Dieu que tu eusses tué ces deux ribauds, car l’un est cause de nos malheurs, et l’autre nous attirera peut-être pis ! » — Il me recommanda ensuite, si l’on m’interrogeait, de nier que j’eusse été présent lorsque j’avais fait feu, et il ajouta que, du reste, je n’avais rien à redouter. La rumeur fut grande et dura longtemps, mais je ne veux pas parler davantage de cette affaire[1].

Je donnais tous mes soins à mon artillerie, et jamais je n’étais sans faire quelque coup d’éclat ; aussi avais-je acquis au plus haut point la faveur et les bonnes grâces de

  1. Dans le manuscrit original, huit lignes complètement biffées terminent ce paragraphe ; mais, sous les ratures, on peut lire ce qui suit : « Qu’il suffise de dire que je fus sur le point de venger mon père des mille injures que Jacopo Salviati lui avait faites, comme il s’en plaignait. Toujours est-il que je lui causai une terrible frayeur. Quant au Farnèse, je n’en veux rien dire maintenant. On verra plus loin combien j’aurais eu raison de le tuer.