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MEMOIRES DE BENVENUTO CELLINI

la maison, où il ne reprit ses sens que bien difficilement. Lorsqu’il fut guéri, les Huit, qui déjà avaient condamné nos adversaires à un bannissement de plusieurs années, nous exilèrent aussi pour six mois à dix milles de la ville. Je dis alors à mon frère : — « Viens avec moi, » — et nous nous séparâmes de notre pauvre père, qui, à défaut d’argent qu’il n’avait pas, nous donna sa bénédiction.

J’allai à Sienne trouver un galant homme que l’on appelait maestro Francesco Castoro. Déjà, lorsqu’une autre fois je m’étais enfui de la maison paternelle, j’avais demeuré quelques jours chez cet honnête orfèvre, jusqu’à ce que mon père m’y eût envoyé chercher : aussi Francesco me reconnut-il et m’employa-t-il de suite. Dès que je me fus mis à l’œuvre, il me donna une maison pour tout le temps que je devais passer à Sienne. Je m’y retirai avec mon frère, et j’y travaillai plusieurs mois ; mon frère avait quelque teinture des lettres latines ; mais il était si jeune, qu’il n’avait pas encore l’amour de l’étude et ne songeait qu’à s’amuser.

À la prière de mon père, le cardinal de Médicis, qui plus tard fut pape sous le nom de Clément VII, obtint notre rappel à Florence. Un certain élève de mon père, poussé par sa propre méchanceté, conseilla au cardinal de m’envoyer à Bologne, pour me perfectionner sur la flûte, à l’école d’un grand maestro, nommé Antonio, lequel était vraiment habile dans son art. Le cardinal dit à mon père que, s’il y consentait, il me donnerait des lettres de recommandation et de crédit. Mon père mourait d’envie de voir ce projet réalisé, et comme moi, de mon côté, j’avais le désir de courir le monde, je partis sans peine.

Arrivé à Bologne, je me mis à travailler avec maestro Ercole del Piffero, et je commençai à gagner de l’argent, ce qui toutefois ne m’empêchait pas d’aller chaque jour à ma leçon de musique. En peu de semaines, je fis beaucoup de