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MÉMOIRES DE BENVENUTO CELLINI



CHAPITRE III.
(1518. — 1523.)

Pietro Torrigiano. — Les cartons de Michel-Ange et de Léonard de Vinci. — Études. — Le fermoir de ceinture. — Gian-Battista Tasso. — Voyage à Rome. — Le Firenzuola. — La salière. — Pagolo Arsago. — Dispute. — Retour à Florence. — Le chiavacuore. — Rixe. — Le conseil des Huit. — Le soufflet et le coup de poing. — Grande bataille. — Fuite

Dans ce temps vint à Florence un sculpteur nommé Pietro Torrigiano[1]. Il arrivait d’Angleterre, où il avait demeuré plusieurs années ; comme il était intime ami de mon maître, il ne passait pas un jour sans aller chez lui. Ayant vu mes dessins et mes travaux, il me dit : — « Je suis venu à Florence pour emmener le plus de jeunes gens que je pourrai, mon roi m’a confié une vaste entreprise, et je voudrais être aidé par des Florentins. Ta manière de travailler et tes dessins sont moins d’un orfèvre que d’un sculpteur ; or, j’ai à exécuter de grands ouvrages en bronze, si tu consens à me suivre, je te ferai à la fois riche et habile. »

  1. Pietro Torrigiano naquit en 1470 et mourut en 1522. Malgré sa vie aventureuse, cet artiste a produit des œuvres dignes de la fameuse école de Bertoldo, où il fit son apprentissage. Après avoir acquis une grande réputation en Angleterre, il passa en Espagne, où il laissa, entre autres choses, une statue de saint Jérôme que Francisco Goya mettait au-dessus des sculptures de Michel-Ange lui-même, Le duc d’Arcos, raconte Vasari, lui commanda une statue de la sainte Vierge, et pour l’obtenir fit tant de promesses, que Torrigiano crut sa fortune faite. Quand le travail fut terminé, le duc d’Arcos ne voulut le payer que trente ducats. Torrigiano, outré de colère, brisa sa statue à coups de marteau. L’Espagnol irrité accusa d’hérésie le pauvre artiste. Jeté en prison, interrogé chaque jour et ballotté d’un inquisiteur à un autre, Torrigiano tomba dans le désespoir et se laissa mourir de faim. — Voy. Vasari, Vie de Torrigiano, t. IV, p. 169-175. L. L.