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DU CH. TAMBRONI

Reparlons d’Armenini. Il ne connut certainement pas le livre de Cennino, car dans la préface de son œuvre il dit : « La peinture n’a encore eu personne qui recueillît et réunît en un seul volume, pour l’utilité du monde, les avertissements et préceptes, etc. » Et plus loin : « Je le fais d’autant plus volontiers que personne à ce que je sache ne l’a démontré distinctement et ne l’a mis en écrit avant moi. » À vrai dire, on doit lui savoir gré de sa peine, bien que son livre ne soit ni aussi clair ni aussi plein de préceptes que celui de notre auteur. De deux choses cependant je ne puis l’absoudre : l’une, d’avoir ingratement et de vilaine manière parlé de ces vieux et vénérables artistes qui vécurent depuis Giotto jusqu’à Pérugin ; l’autre, d’avoir voulu lui aussi s’embrouiller dans la métaphysique de l’art, et noyer peu d’idées dans un déluge de mots.

Je ne m’arrêterai pas à parler du traité de Francesco Bisagni, qui ne fit que donner, pour la plus grande partie de son œuvre, comme sien l’ouvrage d’Armenini. Et ici je me trouve bien de n’avoir à parler que des auteurs italiens.

En lisant le livre de Cennino, on voit que Vasari a raison de dire que ce qu’il renferme était tenu dans ces temps antiques pour de très-rares secrets. À chaque pas l’on a les preuves de la jalousie avec laquelle les maîtres préservaient leur science. Ils ne la communiquaient à leurs élèves que peu à peu et par degrés. Dans cet enseignement, il fallait que les jeunes gens qui voulaient apprendre se missent d’abord en servitude, comme on le voit dans le chap. ii : « Et ainsi ils se préparent avec amour et obéissance, se soumettant à la servitude pour arriver à la perfection. » Là est l’origine du mot créature (creato), que Vasari et d’autres écrivains donnent aux élèves des vieux maîtres, qui de l’espagnol passa dans la langue italienne comme synonyme de serviteur. En deux endroits, Cennino répète que Taddeo Gaddi fut disciple de Giotto pendant vingt-quatre ans, et que lui le fut d’Agnolo pendant douze ans. Dans le chap. civ, il parle du temps qu’il croit nécessaire pour apprendre l’art et le détermine à treize ans : une