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contes japonais.

— Je ne suis ni fou, ni malhonnête, dit Yori, je suis malheureux.

Et il conta son histoire.

— Tu aimes donc bien cette femme ? dit le sorcier.

— Autant qu’on peut aimer.

— Eh bien, quoique tu aies tort, sans doute, je veux t’être utile. Le talisman qui peut seul te faire réussir dans ton entreprise est la branche de glycine double. Or, la glycine double est un phénomène presque introuvable, que tu pourrais chercher peut-être en vain pendant des années, avec tes faibles yeux de mortel. Mais dans les marais sacrés de Tomyoka tu trouveras l’alouette grise qui recherche uniquement ces plantes pour en faire son nid. Prends lui une branche au moment même où elle l’apporte, et garde-toi surtout de tuer l’oiseau ou de le blesser en aucune façon ; il ne faut pas prendre la vie de l’animal qui t’est utile.

Et comme le jeune homme le remerciait.

— Un mot encore ; il est d’un sage, et non plus d’un sorcier. Tu vas bien loin pour chercher des trésors, quand le bonheur est sans doute près de toi. Regarde à tes pieds plutôt que de fixer tes yeux sur les cimes de l’Asama, car tu passes peut-être auprès d’un trésor, et dans la vie on ne revient pas en arrière.

vi

Depuis trois jours, Yori, les pieds dans l’eau, attendait le passage de l’alouette grise allant tisser son nid, et il n’avait encore trouvé qu’un torticolis et un rhume de cerveau.

Dans les marais de Tomyoka, les rares passants étaient intrigués par les allures mystérieuses de cet homme à l’affût, l’œil anxieux fixé sur l’horizon, le corps penché en avant, le doigt sur la détente… de son parasol.

Oui, vous avez bien lu : de son parasol.