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la petite servante.

à cœur une aussi sotte aventure ! Retourne à ton travail, ambitieuse, et applique-toi à le bien faire, ou sinon !… Quant au galant Hikusen, s’il revient ici, c’est moi qui le recevrai, et de façon qu’il s’en souvienne !

Il s’éloigna, laissant Nézumi épouvantée d’un tel débordement de colère et d’injures. Lorsqu’il fut parti, la pauvre fille pleura longtemps, sur la ruine de ses espérances, toutes les larmes de son cœur simple.

IV

Cependant il ne fallait pas qu’à son tour Hikusen vînt affronter la colère et les insolences de Yotsu. Donc, reprenant un peu ses sens, elle trempa son pinceau dans l’encre de Chine et écrivit à celui qu’elle avait déjà considéré comme son fiancé :

« Hikusen, toi qui étais apparu dans la vie de l’humble servante comme la brise du soir après l’étouffante chaleur du jour, Hikusen, adieu ! La volonté du maître est plus forte que mon amour. Nézumi restera fille ; l’or et la soie de ton palais ne sont point faits pour elle ».

Elle allait mettre à la suite le monogramme de son nom, lors qu’elle songea au danger que courait le jeune daïmio, s’il s’aventurait encore dans le yé de Yotsu. Elle ajouta donc :

« Si on te voyait dans ce palais ou alentour, ce serait ta perte ; Yotsu est méchant et sa colère est terrible ! »

Puis elle signa, et fit parvenir sa lettre aussitôt.

Hikusen était impatient de recevoir des nouvelles, et fort peu rassuré, au fond, des suites de sa folie ; car c’était folie, vraiment, que d’aller prendre femme dans les derniers rangs du peuple. Le charme, la beauté, l’honnêteté de Nézumi n’étaient même pas une excuse suffisante à cet acte que beaucoup autour de lui blâmeraient.

Mais, malgré ce que la raison lui commandait, il braverait les résistances et épouserait la femme de son choix.

Dans son inconséquence de jeune écervelé, il n’avait pas voulu