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contes japonais.

caractère. On pouvait déjà lui reprocher, peut-être, un air dédaigneux, un ton d’autorité qui ne convenait guère à son âge. Mais les jolis yeux noirs qu’elle avait, si perçants et railleurs ; les longs cheveux de jais et la bouche surtout, la bouche de corail tout en rond, et saillante comme celle du beau poisson sacré, le Namako !

Quant à Kamô, il avait dix ans à peine, et on ne songeait guère à lui, à ce qu’il pourrait être et à son caractère.

II

Tout ceci posé, sachez donc qu’un beau jour, après avoir, la veille, bu, mangé, et par là-dessus, dormi, Hanko se réveilla pour entendre ses quatre enfants lui crier famine.

Or, il ne restait plus rien à la maison, et pas une sapèque pour acheter une poignée de riz.

Compter sur les voisins ? Misère ! ils étaient aussi pauvres ; et le bonheur visitait si rarement ces tristes toits de bambou, que lorsqu’on frappait à la porte, le maître venait ouvrir avec une hache à la main, et d’un air soupçonneux, plein de réticences et de mauvais souhaits !

Que faire ? Comment vivre jusqu’à ce qu’un travail nouveau fût prêt à être donné aux marchands de passage, ou porté à la ville voisine ?

Après avoir longtemps tourné et retourné sa détresse, Hanko, accroupi sur le seuil de sa maison, en face de la forêt, prit une résolution subite.

Pourquoi, par une ridicule superstition, hésiterait-il plus longtemps à pénétrer dans cette forêt ? Sans doute elle devait avoir en abondance des bois précieux, ces arbres à gomme et à laque, l’urushi ou le kaki, une fortune pour qui les exploite ; ou bien, à défaut du gibier à chasser, des plumes et des fourrures à dépouiller ; des fruits sauvages, tout au moins.

Mais d’autre part, quels dangers à courir ! Quelles puissances