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Page:Cerfberr - Contes japonais, 1893.pdf/79

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la forêt enchantée.

Hanko baissa la tête et n’en demanda pas davantage.

Le soir même il fuyait avec sa femme, ses enfants, son argent volé, et peu après, on le voyait à Seto mener le train d’un bourgeois riche et considéré.

Mais Hanko était paresseux… mais Hanko était joueur. Au bout de l’année il n’avait plus rien ; sa femme était morte, il était chassé de partout. Alors il vint se réfugier contre la forêt d’Homokusaï, parce que là seulement il pouvait espérer vivre avec le produit de son labeur et celui de ses filles, son fils Kamô étant encore tout petit.

Il lui fallait donc travailler, lui qui, pendant trente ans, s’était séché le cœur à faire peiner les autres plus qu’ils ne devaient. Et comme il était malhabile, comme plus d’une fois sa hache, mal dirigée, brisait les montures d’éventail qu’il coupait à raison d’une sapèque le paquet, le pain manquait souvent à la maison.


Il coupait des montures d’éventail.

Le travail de ses enfants l’aidait encore ; cet homme vieux, laid, avare, cruel, paresseux et débauché, avait trois filles jolies, bonnes, douces et honnêtes : Shiya, Gamawuki et Yabura.

L’aînée était belle comme le point du jour ou comme la fleur du pêcher. Shiya n’est-il pas un nom de fleur ? Jamais nom ne fut mieux porté ! En même temps douce et simple, bonne à tout le monde, sensible au mal des autres, elle regrettait seulement une chose : n’avoir rien à donner.

Gamawuki était vive, pétillante de corps et d’esprit, incapable de fixer sa pensée sur rien, gaie comme un suzumé, insouciante comme un hâto, la colombe blanche qui ne s’inquiète jamais du lendemain ; c’était, des trois, celle qui souffrait le moins de l’infortune présente, et peut-être cependant, plus que les autres, elle eût aimé l’or, les beaux vêtements brodés, les pierreries aux mains et dans les cheveux ; c’était l’enfant gâtée de la maison. Elle en profitait pour travailler peu et rire beaucoup.

Yabura était encore bien jeune, et on ne pouvait guère juger son