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la forêt enchantée.

mystérieuses à heurter !… Bah ! Hanko, plus instruit et plus expérimenté que ses voisins, était un esprit fort. Puis le besoin le poussait, et il ne risquait que sa misérable vie, dont il ne faisait pas grand chose. Bref, l’hésitation ne fut pas longue : la lisière du bois était à deux pas : il pénétra sous le taillis.

À vrai dire, dès que le ciel lui fut caché, son cœur se serra quelque peu et il s’attendit à quelque événement extraordinaire… Mais point ! Pendant une grande heure il avança avec difficulté au milieu de broussailles qu’aucun pied humain n’avait sans doute foulées depuis longtemps, et il n’éprouvait qu’un peu de fatigue déjà, et cette sorte d’oppression qui étreint les voyageurs peu familiarisés aux longues courses en forêt.

Deux choses pourtant le surprenaient : le silence inaccoutumé de ces futaies où aucun oiseau ne s’agitait en apparence, pas même le gai suzumé qu’on est habitué à voir partout où se trouve un fourré, et l’absence de ces richesses inexploitées qu’il cherchait. Rien que le bambou au fût élancé, lisse et annelé, au feuillage bruissant comme la soie froissée, le triste pin, ou bien le matsu au cœur rouge, si commun partout qu’on le brûle pour s’amuser, et le touga à la silhouette tourmentée, aux branches traînant jusqu’à terre, et formant des massifs presque impénétrables. Sa pénible recherche devait-elle demeurer inutile, et rentrerait-il chez lui sans rapporter les ressources tant attendues ?

Tout à coup, le terrain s’éleva, devint çà et là rocheux et accidenté, les arbres se firent plus rares, laissant percer un peu de la lumière du ciel qu’on apercevait par instant, et notre explorateur put supposer que bientôt il allait pouvoir dominer la forêt, et avoir une conception plus nette de sa configuration, dont il ne se faisait aucune idée, ayant marché à l’aventure. Mais avant d’arriver à ce point culminant, il fut surpris par la rencontre subite d’une fissure, abrupte, aux abords presque perpendiculaires, et qu’il ne savait comment franchir. Il s’avança avec précaution et jeta un coup