Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/20

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s’écria Cortado. Mais, dites-moi, je vous prie, fait-on quelque restitution, ou quelque autre pénitence de plus que celle-là ? — Quant à restituer, répondit le portefaix, il ne faut pas en parler, car c’est chose impossible, à cause des nombreuses parts qu’on fait des objets volés, de façon que chacun des agents et contractants ait la sienne. Ainsi, le premier voleur ne peut rien restituer. D’ailleurs il n’y a personne pour nous commander cette démarche, car nous ne nous confessons jamais. Si l’on publie des lettres d’excommunication, elles n’arrivent jamais à notre connaissance, parce que jamais nous n’allons à l’église pendant qu’on les lit, à moins que ce ne soit les jours de jubilé, à cause des profits que nous offre le concours de tant de monde. — Et seulement avec ce qu’ils font là, reprit Cortado, ces messieurs disent que leur vie est sainte et bonne ? — Et qu’a-t-elle donc de mauvais ? répliqua le portefaix. N’est-il pas pire d’être hérétique, ou renégat, ou de tuer père et mère, ou d’être solomite ? — Votre grâce veut dire sodomiste, interrompit Rincon. — Justement, reprit le portefaix. — Tout cela ne vaut rien, ajouta Cortado ; mais puisque notre étoile a voulu que nous entrassions dans cette confrérie, que votre grâce allonge un peu le pas, je meurs d’envie de me rencontrer avec le seigneur Monipodio, auquel on attribue tant de vertus. — Votre désir sera bientôt rempli, répondit le portefaix ; d’ici l’on aperçoit sa maison. Que vos grâces demeurent à la porte ; j’entrerai pour voir s’il est libre, car voici les heures où il a coutume de donner audience. — Que ce soit à la bonne, » repartit Rincon.