Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/40

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main ; et si les couplets n’arrivent pas comme ils doivent, j’ai pour ami un barbier, grand poëte, qui nous enflera la mesure à toutes les heures du jour ; quant à celle d’à présent, achevons le déjeuner, et tout se fera plus tard. »

La Juliana se résigna et obéit à son supérieur. Alors ils se remirent tous à leur gaudeamus, si bien qu’ils virent promptement le fond du panier et sentirent la lie de l’outre. Les vieux avaient bu sine fine, les jeunes tout leur soûl, et les dames jusqu’à battre les murs. Les deux vieillards demandèrent la permission de s’en aller ; Monipodio la leur donna, mais en les chargeant de venir bien ponctuellement rendre compte de tout ce qu’ils verraient d’utile et de profitable à la communauté. Ils répondirent qu’ils n’y manqueraient pas, et s’en allèrent. Rinconète, qui était naturellement curieux, après avoir obtenu la permission de parler, demanda à Monipodio à quoi servaient dans la confrérie deux personnages si chauves, si graves et si compassés. « Ceux-ci, répondit Monipodio, s’appellent dans notre argot, ou façon de parler, les frélons[1]. Ils servent à fureter de jour par toute la ville, observant à quelle maison l’on peut donner assaut la nuit ; à suivre ceux qui reçoivent de l’argent au trésor ou à la monnaie, pour voir où ils l’emportent, et même où ils le cachent. Quand ils le savent, ils mesurent l’épaisseur de la muraille de cette maison, et marquent la place la plus convenable pour faire les guzpataros, c’est-à-dire les trous au mur, qui doivent faciliter l’entrée. Enfin, ce sont des gens aussi utiles qu’il y en

  1. Abispones.