Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/49

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le gentilhomme, votre grâce appelle cela tenir sa promesse, faire la balafre au laquais, quand on devait la faire au maître ? — Que le seigneur est bien au fait de la chose ! s’écria Chiquiznaque. On voit bien qu’il ne se souvient pas du proverbe qui dit : Qui aime bien Bastien, aime bien son chien. — Et à quel propos peut venir ce proverbe ? répliqua le gentilhomme. — Comment ! continua Chiquiznaque, n’est-ce pas la même chose que de dire : Qui aime mal Bastien, aime mal son chien. Or donc, Bastien c’est le marchand ; vous l’aimez mal ; son laquais est son chien ; en frappant sur le chien, on frappe sur Bastien ; la dette est liquidée, et exécutée convenablement. Dès lors, il n’y a plus qu’à payer sur-le-champ, sans ajournement de conclusion. — C’est ce que je jure, pardieu ! ajouta Monipodio, et tu m’as ôté de la bouche, ami Chiquiznaque, tout ce que tu viens de dire. Ainsi donc, seigneur galant, que votre grâce ne se mette pas à vétiller avec ses serviteurs et amis. Prenez plutôt mon conseil, et payez d’emblée la besogne faite. Et s’il vous fait envie qu’on donne une autre estafilade au maître, du nombre de points que peut porter son visage, faites état qu’on lui panse déjà la blessure. — Pourvu qu’il en soit ainsi, répondit le galant, je paierai de très-bon cœur l’une et l’autre en entier. — N’en doutez pas plus que d’être chrétien, répliqua Monipodio. Chiquiznaque lui fera la balafre si bien ajustée, qu’elle aura l’air de lui être venue de naissance. — Eh bien donc, reprit le gentilhomme, sur cette promesse et sur cette assurance, recevez cette chaîne en gage des vingt ducats arriérés, et de quarante autres que j’offre pour la