Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/54

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et fidèlement, avec toute diligence et toute précaution. Monipodio tira de la capuce de son manteau un papier plié où se trouvait la liste des confrères, et dit à Rinconète d’y inscrire son nom et celui de Cortadillo. Mais comme il n’y avait pas d’écritoire, il lui donna le papier à emporter, pour qu’il écrivît chez le premier apothicaire venu : « Rinconète et Cortadillo, confrères ; aucun noviciat ; Rinconète fleuriste[1], Cortadillo basson[2] ; le jour, le mois et l’année, sans dire les parents et le pays. »

Sur ces entrefaites, entra un des vieux frélons qui dit : « Je viens dire à vos grâces que j’ai rencontré tout à l’heure sur les degrés Lobillo[3] de Malaga. Il m’a dit qu’il a fait tant de progrès dans son art qu’avec des cartes propres et nettes, il chipera l’argent à Satan lui-même. S’il n’est pas venu tout de suite passer à la visite et faire comme de coutume acte d’obéissance, c’est qu’il est tout déguenillé ; mais dimanche il sera sans faute ici. — Je m’étais toujours fourré dans la tête, dit Monipodio, que ce Lobillo deviendrait unique en son art, car il a les meilleures mains et les plus propres à la besogne qui se puissent désirer ; et pour devenir bon ouvrier dans son état, on n’a pas moins besoin de bons instruments pour l’exercer que d’un bon esprit pour l’apprendre. — J’ai aussi rencontré, reprit le vieux, dans un logis d’auberge de la rue de Tintorès, le Juif, en habit de prêtre, qui s’est allé loger là parce qu’il a eu connaissance que deux

  1. Escroc au jeu.
  2. Filou, coupeur de bourses.
  3. Louveteau.