Page:Cervantes-Viardot-Rinconète et Cortadillo.djvu/53

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en viendra un autre, et nous aurons à faire plus que nous ne voudrons. La feuille d’arbre ne remue pas sans la volonté de Dieu, et nous ne pouvons pas faire que personne se venge par force. D’ailleurs, chacun a l’habitude d’être brave dans sa propre cause, et l’on n’aime pas à payer la façon de son ouvrage quand on peut le faire de ses propres mains. — Cela est vrai, dit alors le Repolido. Mais voyez un peu, seigneur Monipodio, ce que votre grâce peut avoir à nous ordonner, car il se fait tard, et le chaud vient plus vite qu’au pas. — Ce qu’il y a à faire, dit Monipodio, c’est que tout le monde s’en aille, chacun à son poste, et que personne n’en change jusqu’à dimanche. Nous nous réunirons en ce même endroit, et l’on fera la distribution de tout ce qui sera tombé, sans faire tort à personne. À Rinconète-le-Bon, et à Cortadillo, il leur est donné pour district, jusqu’à dimanche, depuis la tour de l’Or, en dehors de la ville, jusqu’à la poterne de l’Alcazar. Là, on peut travailler, à cheval sur un banc, avec ses fines fleurs[1]. J’en ai vu d’autres, beaucoup moins habiles qu’eux, revenir chaque jour avec plus de vingt réaux en monnaie, sans compter l’argent, n’ayant qu’un seul jeu de cartes, et qui avait même quatre cartes de moins. Ganchoso vous enseignera ce district, et quand même vous vous étendriez jusqu’à San-Sebastian et Santelmo, peu importe, bien qu’il soit de bonne justice que personne n’entre dans le domaine de personne. » Les deux jeunes gens lui baisèrent la main pour le remercier de la grâce qu’il leur accordait, et promirent de faire leur métier bien

  1. Tromper au jeu.