Page:Cervantes - L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, traduction Viardot, 1837, tome 2.djvu/660

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il faut singulièrement de lumières pour tant de gens qui en manquent. » Il poussa plus loin, et vit que l’on corrigeait un autre livre, dont il demanda le titre. « C’est, lui répondit-on, la seconde partie de l’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, composée par un tel, bourgeois de Tordésillas. — Ah ! j’ai déjà connaissance de ce livre, reprit Don Quichotte, et je croyais, en mon âme et conscience, qu’il était déjà brûlé et réduit en cendres pour ses impertinences. Mais la Saint-Martin viendra pour lui, comme pour tout cochon[1]. Les histoires inventées sont d’autant meilleures, d’autant plus agréables, qu’elles s’approchent davantage de la vérité ou de la vraisemblance, et les véritables valent d’autant mieux qu’elles sont plus vraies. » En disant cela, et donnant quelques marques de dépit, il sortit de l’imprimerie.

Le même jour, Don Antonio résolut de le mener voir les galères qui étaient amarrées à la plage, ce qui réjouit beaucoup Sancho, car il n’en avait vu de sa vie. Don Antonio informa le chef d’escadre des galères que, dans l’après-midi, il y conduirait son hôte, le fameux Don Quichotte de la Manche, que connaissaient déjà le chef d’escadre et tous les bourgeois de la ville. Mais ce qui leur arriva pendant cette visite sera dit dans le chapitre suivant.

  1. Allusion au proverbe : À tout cochon vient sa Saint-Martin.