Page:Châteaubriant, Alphonse de - Monsieur des Lourdines, 1912.djvu/199

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ensorcelé. Pourtant elle n’était qu’à peine jolie ; ce qui l’avait conquis, c’était sa voix, une voix dont chacun parlait d’ailleurs comme d’un maigre filet sans art. À ce sujet, ses amis ne lui épargnaient pas les plaisanteries, surtout lorsqu’il essayait de justifier son enthousiasme. Mais il n’y pouvait rien : c’était dans le timbre, dans la vibration, il ne savait quel insaisissable frémissement, que les autres n’entendaient pas sans doute, sans rapport peut-être avec la musique, mais qui l’enchaînait, lui, le laissait comme un oiseau sous le regard du serpent. Et le charme de son chant, il le retrouvait dans la note claire, trémulante, de son rire. Souvent, à brûle-pourpoint, il lui demandait de rire, d’imiter son propre rire ; et il écoutait. Déjà il ne comptait plus les folies auxquelles cette femme l’avait entraîné.

Et là, sous les arbres silencieux, tout en regardant les coteaux, il pensait à elle ; une nostalgie toute physique irritait en lui le désir de l’entendre chanter, de l’entendre rire.

Et il entendit rire.