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Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/18

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Mais le père des deux poètes fatiguait de plaintes inutiles les hommes puissans de cette sanguinaire époque. Imprudent vieillard ! il parvint à s’en faire entendre. « Quoi ! lui dit un de ces agens de terreur, que je ne nommerai point parce qu’il vit encore, est-ce parce qu’il porte le nom de Chénier, parce qu’il est le frère d’un Représentant, que depuis six mois on ne lui a pas encore fait son procès ? Allez, Monsieur, votre fils sortira dans trois jours. » Hélas ! et en effet. Et quand le malheureux père allait parler aux amis de son fils, de ses espérances et de sa joie, on lui répondait : Puissiez-vous ne jamais accuser votre tendresse !

André Chénier retoucha, dans sa prison, des ouvrages que son frère aurait publiés sans doute, si le travail qu’il commença à ce sujet ne fût demeuré imparfait, à cause de la dispersion des manuscrits en plusieurs mains et en plusieurs lieux.

Oserons-nous dire quelle impression fut la nôtre, lorsque ces ouvrages, enfin rassemblés, tracés tous de sa propre main, nous furent confiés après vingt-trois ans d’oubli ? Chargé de ce précieux dépôt, avec quel recueillement je contemplais les traces fragiles d’une pensée peut-être immortelle ; je relus ces chants avec quelque chose de l’émotion que donne l’écrit d’une main chérie et les affections les plus près de notre cœur. Que d’affligeantes idées me rappelaient quelques-uns de ces caractères furtivement