Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/19

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tracés ; ces lignes pressées sur d’étroits feuillets choisis pour être soustraits à l’inquisition d’un geolier ! Le temps commençait de les attaquer ; et je les déployais avec un soin presque égal à celui que j’avais vu naguère employer à Naples à dérouler les manuscrits d’Épicure ou d’Anacréon Une révolution de la nature avait presque anéanti ces beaux modèles ; et nos discordes, plus terribles-encore, avaient

long-temps menacé un de leurs glorieux disciples. Toutefois, le jeune poète ne fut jamais satisfait de ses esquisses. Le sens quelquefois douteux d’une pensée, les tours trop ellyptiques, les mots que pourra noter la critique, il les avait remarqués lui-même. Il se blâmait souvent ; et j’ai retrouvé des passages qu’il avait soulignés ou censurés de sa main. Ceux de nos juges pour qui la correction est le premier des mérites, et qui sont moins touchés des beautés d’un ouvrage qu’offensés de ses défauts, pourront trouver à exercer leur blâme dans ce Recueil, qui n’eût pas été si étendu sens des intérêts qu’il m’a fallu respecter. Mais ces esprits armés contre leur plaisir se souviendront peut-être que l’auteur ne parcourut de la carrière humaine que le temps des troubles et des passions. Si vous lui voulez une correction irréprochable, allez le redemander au tombeau qui se ferma sur lui à trente et un ans. Exigeront-ils les saveurs de l’automne d’un fruit naissant tombé sous les coups d’un orage ?