Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/207

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N’eût été pour le sage un désirable asile ?
Quand du Tibre avili le sceptre ensanglanté
Armait la main du vice et la férocité ;
Quand d’un vrai citoyen l’éclat et le courage
Réveillaient du tyran la soupçonneuse rage ;
Quand l’exil, la prison, le vol, l’assasinat,
Étaient pour l’apaiser l’offrande du sénat ?
Thraséa, Soranus, Sénécion, Rustique,
Vous tous dignes enfans de la patrie antique,
Je vous vois tous amis, entourés de bourreaux,
Braver du scélérat les indignes faisceaux,
Du lâche délateur l’impudente richesse,
Et du vil affranchi l’orgueilleuse bassesse.
Je vous vois, au milieu des crimes, des noirceurs,
Garder une patrie et des lois et des mœurs ;
Traverser d’un pied sûr, sans tache, sans souillure,
Les flots contagieux de cette mer impure ;
Vous créer, au flambeau de vos mâles aïeux,
Sur ce monde profane un monde vertueux.

Oh ! viens rendre à leurs noms nos ames attentives,
Amitié ! de leur gloire ennoblis nos archives.
Viens, viens : que nos climats, par ton souffle épurés,
Enfantent des rivaux à ces hommes sacrés.
Rends-nous hommes tomme eux. Fais sur la France heureuse
Descendre des vertus la troupe radieuse :
De ces filles du ciel qui naissent dans ton sein,
Et toutes sur tes pas se tiennent par la main.
Ranime les beaux-arts ; éveille leur génie ;
Chasse de leur empire et la haine et l’envie :