Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/269

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Tous, en un monde à part, frères, concitoyens,
Dans tous les lieux, dans tous les âges.
Tu guidais mon David à la suivre empressé :
Quand, avec toi, dans le sein du passé,
Fuyant parmi les morts sa patrie asservie,
Sous sa main, rivale des dieux,
La toile s’enflammait d’une éloquente vie ;
Et la ciguë, instrument de l’envie,
Portant Socrate dans les cieux ;
Et le premier consul, plus citoyen que père,
Rentré seul par son jugement,
Aux pieds de sa Rome si chère
Savourant de son cœur le glorieux tourment ;
L’obole mendié seul appui d’un grand homme ;
Et l’Albain terrassé dans le mâle serment
Des trois frères sauveurs de Rome.

IV.


Un plus noble serment d’un si, digne pinceau
Appelle aujourd’hui l’industrie.
Marathon, tes Persans et leur sanglant tombeau
Vivaient par ce bel art. Un sublime tableau
Naît aussi pour notre patrie.
Elle expirait : son sang était tari ; ses flancs
Ne portaient plus son poids. Depuis mille ans
À soi-même inconnue, à son-heure suprême,
Ses guides trembles, incertains
Fuyaient. Il fallut donc, dans le péril extrême,
De son salut la charger elle-même.