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Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/284

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SUR UN GROUPE DE JUPITER ET EUROPE.


Étranger, ce taureau qu’au sein des mers profondes
D’un pied léger et sûr tu vais fendre les ondes,
Est le seul que jamais Amphitrite ait porté.
Il nage aux bords crétois. Une jeune beauté
Dont le vent fait voler l’écharpe obéissante
Sur ses flancs est assise ; et d’une main tremblante
Tient sa corne d’ivoire, et les pleurs dans les yeux
Appelle ses parens, ses compagnes, ses jeux ;
Et redoutant la vague et ses assauts humides,
Retire et veut sous soi cacher ses pieds timides..

L’art a rendu l’airain fluide et frémissant.
On croit le voir flotter. Ce nageur mugissant,
Ce taureau, c’est un dieu ; c’est Jupiter lui-même.
Dans ces traits déguisés, du monarque suprême
Tu reconnais encore et la foudre et les traits.
Sidon l’a vu descendre au bord de ses guérets,
Sous ce front emprunté couvrant ses artifices,
Brillant objet des vœux de toutes les génisses.