Page:Chénier - Œuvres complètes, éd. Latouche, 1819.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Pourquoi donc nous faut-il, par un pénible soin,
Sans rien voir près de nous, voyant toujours bien loin,
Vivant dans le passé, laissant ceux qui commencent,
Sans penser écrivant d’après d’autres qui pensent,
Retraçant un tableau que nos yeux n’ont point vu,
Dire et dire cent fois ce que nous avons lu ?
De la Grèce héroïque et naissante et sauvage
Dans Homère à nos yeux vit la parfaite image.
Démocrite, Platon, Epicure, Thalès,
Ont dc loin à Virgile indiqué les secrets
D’une nature encore à leurs yeux trop. voilée.
Toricelli, Newton, Kepler et Galilée,
Plus doctes, plus heureux, dans leurs puissans efforts,
À tout nouveau Virgile ont ouvert des trésors.
Tons les arts sont unis : les sciences humaines
N’ont pu de leur empire étendre les domaines,
Sans agrandir aussi la carrière (les vers.
Quel long travail pour eux a conquis l’univers !
Aux regards de Buffon, sans voile, sans obstacles,
La terre ouvrant son sein, ses ressorts, ses miracles,
Ses germes, ses coteaux, dépouille de Thétis :
Les nuages épais, sur elle appesantis,
De ses noires vapeurs nourrissant leur tonnerre,
Et l’hiver ennemi pour envahir la terre
Roi des antres dut Nord : et, de glaces armés,
Ses pas usurpateurs sur nos monts imprimés ;
Et l’œil perçant du verre en la vaste étendue,
Allant chercher ces feux qui fuyaient notre vue.
Aux changemens prédits, immuables, fixés,
Que d’une plume d’or Bailly nous a tracés ;