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Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/100

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des victimes, pour la plupart innocentes ? excusera-t-on ces exécrables railleries dont elle accompagnait leurs plaintes et leurs derniers moments ? excusera-t-on, expliquera-t-on dans des hommes cette horrible soif de sang, cet horrible appétit de voir souffrir, qui les porte à se jeter en foule sur des accusés qu’ils n’ont jamais connus, ou sur des coupables dont les crimes rie les ont jamais atteints ; ou encore sur des hommes surpris dans des délits de police, qu’aucune législation n’est assez barbare pour punir de mort ; à vouloir les massacrer de leurs propres mains ; à murmurer, à se soulever contre les soldats armés par la loi, qui viennent les leur arracher au péril de leur vie ? Et qu’il se trouve des écrivains assez féroces, assez lâches peur se déclarer les protecteurs, les apologistes de ces assassinats ! qu’ils osent les encourager ! qu’ils osent les diriger sur la tête de tel ou tel ! qu’ils aient le front de donner à ces horribles violations de tout droit, de toute justice, le nom de justice populaire ! Certes, il est incontestable que tout pouvoir émanant du peuple, celui de pendre en émane aussi ; mais il est bien affreux que ce soit le seul qu’il ne veuille pas exercer pat représentants. Et c’est ici une des choses où les gens de bien ont le plus à se reprocher de n’avoir pas manifesté assez hautement leur indignation. Soit étonnement, soit désespoir de réussir, soit crainte, ils sont presque demeurés muets ; ils ont détourné la tête avec un silence mêlé d’horreur et de mépris, et ils ont abandonné cette classe du peuple, aux fureurs, aux instigations meurtrières de ces hommes atroces et odieux, pour qui un accusé est