Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/101

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toujours un coupable ; pour qui la. Justification d’un innocent est une calamité publique ; qui n’aiment la liberté que lorsqu’elle a des traîtres à punir ; qui n’aiment la loi que lorsqu’elle prononce la mort ; qui n’aiment les tribunaux que lorsqu’ils tuent ; qui, lorsque la société s’est vue contrainte à verser du sang, l’en félicitent et lui en souhaitent, et lui en demandent encore ; et dont les cris et les murmures, quand ils voient absoudre, ressemblent à la rage et aux grincements de bêtes féroces, aux dents et aux ongles desquelles on vient d’arracher des corps vivants qu’elles commençaient à dévorer.

Mais quoi ! tous les citoyens n’ont-ils pas le droit d’avoir et de publier leur opinion sur tout ce qui concerne la chose publique ? assurément ils l’ont. Mais ils n’ont pas celui de prêcher la révolte et la sédition ; et indépendamment de cela, quand même ils ne sortiraient pas des bornes que les lois doivent leur prescrire, il n’en serait pas moins possible, il n’en serait pas moins permis d’examiner où tendent leurs opinions, où tendent leurs principes et leur doctrine, et quelle sorte d’influence leurs conseils peuvent, doivent avoir sur cet esprit public dont nous sommes occupés ici. Or, à travers cet amas bourbeux de déclamations, d’injures, d’atrocités, cherchons s’ils veulent, s’ils approuvent, s’ils proposent quelque chose ; si, après une critique bonne ou mauvaise de telle ou telle loi, ils indiquent au moins bien ou mal ce qu’ils jugent qu’on pourrait mettre à, la place : non, rien. Ils contredisent, suais ils ne disent pas ; ils empêchent, mais ils ne font pas. Quel décret de l’Assemblée nationale leur plaît ? quelle