Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vil ramas de brouillons, qui ne feraient pas la centième partie de la nation : mercenaires étrangers à toute honnête industrie ; inconnus et invisibles, tant que règne le bon ordre ; et qui, semblables aux loups et aux serpents, ne sortent de leurs retraites que pour outrager et nuire. L’établissement des clubs et de ces assemblées ou l’on discute bien ou mal les principes de l’art social, est très-utile à la liberté, quand ces sociétés se multiplient beaucoup et sont de facile accès, et composées de membres très-nombreux. Car, il est impossible qu’à la longue, beaucoup d’hommes rassemblés et délibérant au grand jour ; s’accordent à soutenir des idées fausses, et à prêcher une doctrine pernicieuse. Mais l’instant de la naissance de ces sociétés est et doit être celui où une espèce de rivalité les anime les unes contre les autres. Chacun s’attache exclusivement à celle dont il est, où il a parlé, où il a été applaudi : et si, ce qui est vraiment dangereux et redoutable, elles ont le désir d’influer d’une manière active sur le gouvernement et sur l’opinion publique, alors elles s’épient, s’attaquent, s’accusent mutuellement ; la moindre différence dans les choses ou dans les expressions, est présentée comme un schisme, comme une hérésie ; elles finissent par ressembler à ces antiques congrégations de moines, qui, toutes ennemies entre elles, quoique annonçant toutes le salut, ne voulaient que lutter de crédit et de puissance, en prônant, à l’envi l’une de l’autre, l’efficacité de leurs reliques et les miracles de leurs saints.

Nous avons vu détruire les corps : il faut plus de temps pour détruire l’esprit de corps. C’est l’incurable