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Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/128

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és, des voitures fouillées et retenues au hasard, et sans ordre du magistrat, tant d’autres tumultueux Plébiscites ne valent pas mieux à ses yeux que des lettres-de-cachet ; il ne le dissimule pas : il ne sait pas plus ramper dans les rues que dans les antichambres. Aujourd’hui que toutes les passions sont agitées par les contradictions, par les outrages, par le spectacle du mouvement général ; qu’un grand nombre de places électives ont réveillé toutes les ambitions à la fois : tous les partis, toutes les opinions se bravent et s’intimident tour à tour. Plusieurs hommes, effrayés, étourdis de tout ce bruit, même quand c’est eux qui l’ont fait, désespèrent, crient que tout est perdu, que rien ne peut aller. Mais ils ne voient pas, que toutes ces clameurs qui les épouvantent, ne partent que d’un très-petit nombre de citoyens, qui sont partout les mêmes ; que cet enthousiasme ardent et exagéré, qu’inspirent nécessairement aux hommes de grands changements et de grands intérêts dont ils ne s’étaient jamais occupés, se consume et s’épuise bientôt par sa propre violence ; que la grande partie de la nation, cette classe laborieuse et sage de marchands, de commerçants, de cultivateurs, a besoin de la paix établie sur de bonnes lois ; qu’elle la veut, que c’est pour elle surtout que s’est faite la révolution, que c’est elle surtout qui peut la soutenir par son courage, sa patience, son industrie.

C’est là vraiment le peuple français. Je ne conçois pas comment tant de personnes,,et même des législateurs, se rendent assez peu compte de leurs expressions, pour prodiguer sans cesse ces noms augustes et sacrés de Peuple, de Nation, à un