Page:Chénier - Œuvres en prose éd. Moland, 1879.djvu/88

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voit paraître souvent et en armes, et dans des occasions semblables, cette dernière classe du peuple, qui ne connaissant rien, n’ayant rien, ne prenant intérêt à rien, ne sait que se vendre à qui veut la payer : alors ces symptômes doivent paraître effrayants. Ils semblent déceler une espèce de système général propre à empêcher le retour de l’ordre et de l’équilibre, sans lequel on ne peut rien regarder comme fini ; à corrompre, à fatiguer la nation dans une stagnante anarchie ; à embarrasser les législateurs de mille incidents qu’il est impossible de prévoir ou d’écarter ; à agrandir l’intervalle qu’il doit nécessairement y avoir entre la fin du passé et le commencement de l’avenir ; à suspendre tout acheminement au bien. La chose publique est dans un véritable danger, et il devient difficile alors de méconnaître le manége et l’influence de quelques ennemis publics. N’est-ce pas là notre. portrait dans cet instant, ou si ce n’est qu’une peinture fantastique ? Mais ces ennemis, qui sont-ils ? Ici commencent les cris vagues : chaque parti, chaque citoyen s’en prend à quiconque ne pense pas en tout précisément comme lui : les inculpations de complot, de conspirations, d’argent donné et reçu, qui peuvent, en quelques occasions, paraître appuyées sur assez de probabilités, deviennent cependant si générales qu’on n’y saurait plus donner aucune confiance. Il serait toutefois bien important de savoir avec certitude de quel côté nous avons à craindre, afin de savoir en même temps où nous devons porter notre défense ; et que notre inquiétude errante et nos soupçons indéterminés ne