Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/159

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Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l’instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphire.
Un murmure plus doux l’avertit et soupire :
Il accourt. Devant lui l’herbe jette des fleurs ;
Sa main errante suit l’éclat de leurs couleurs ;
Il oublie, à les voir, l’emploi qui la demande,
Et s’égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l’onde encor soupire et sait le rappeler.
Sur l’immobile arène il l’admire couler,
Se courbe, et, s’appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l’urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l’entraînent par la main
En un lit de joncs frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d’elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l’amour est vante,
Le rassure et le loue et flatte sa beauté.
Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
De la jeunesse en fleur la première étamine,
Ou sèchent en riant quelques pleurs gracieux
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.

« Quand ces trois corps d’albâtre atteignaient le rivage,
D’abord j’ai cru, dit-il, que c’était mon image
Qui, de cent flots brisés prompte à suivre la loi,
Ondoyante, volait et s’élançait vers moi. »

Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l’onde pure :
« Hylas ! Hylas ! » Il crie et mille et mille fois.