Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/273

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Elle aime aussi chanter à la moisson nouvelle,
Suivre les moissonneurs et lier la javelle.
L’Automne au front vermeil, ceint de pampres nouveaux,
Parmi les vendangeurs l’égare en des coteaux ;
Elle cueille la grappe, ou blanche, ou purpurine :
Le doux jus des raisins teint sa bouche enfantine ;
Ou, s’ils pressent leurs vins, elle accourt pour les voir,
Et son bras avec eux fait crier le pressoir.

Viens, viens, mon jeune ami ; viens, nos muses t’attendent ;
Nos fêtes, nos banquets, nos courses te demandent ;
Viens voir ensemble et l’antre et l’onde et les forêts.
Chaque soir une table, aux suaves apprêts
Assoira près de nous nos belles adorées ;
Ou, cherchant dans le bois des nymphes égarées,
Nous entendrons les ris, les chansons, les festins ;
Et les verres emplis sous les bosquets lointains
Viendront animer l’air, et du sein d’une treille,
De leur voix argentine égayer notre oreille.
Mais si, toujours ingrat à ces charmantes sœurs,
Ton front rejette encor leurs couronnes de fleurs,
Si de leurs soins pressons la douce impatience
N’obtient que d’un refus la dédaigneuse offense ;
Qu’à ton tour la beauté dont les yeux t’ont soumis
Refuse à tes soupirs ce qu’elle t’a promis ;
Qu’un rival loin de toi de ses charmes dispose ;
Et quand tu lui viendras présenter une rose,
Que l’ingrate étonnée, en recevant ce don,
Ne t’ait vu de sa vie et demande ton nom.