Page:Chénier - Œuvres poétiques, édition Moland, 1889, volume 1.djvu/330

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Encor ce nom chéri, ce nom délicieux
Partout, de ligne en ligne, étincelle à mes yeux.
Je lui parle toujours, toujours je l’envisage ;
D’…z… ; toujours D’…z…, toujours sa belle image
Erre dans mon cerveau, m’assiége, me poursuit,
M’inquiète le jour, me tourmente la nuit.
Adieu donc, vains succès, studieuses chimères,
Et beaux-arts tant aimés, Muses jadis si chères ;
Malgré moi mes pensers ont un objet plus doux,
Ils sont tous à D’…z…, je n’en ai plus pour vous.
Que ne puis-je à mon tour, ah ! que ne puis-je croire
Que loin d’elle toujours j’occupe sa mémoire.



XXXIV[1]


Ô nécessité dure ! ô pesant esclavage !
Ô sort ! je dois donc voir, et dans mon plus bel âge,
Flotter mes jours, tissus de désirs et de pleurs,
Dans ce flux et reflux d’espoirs et de douleurs !

Souvent, las d’être esclave et de boire la lie
De ce calice amer que l’on nomme la vie,
Las du mépris des sots qui suit la pauvreté,
Je regarde la tombe, asile souhaité ;
Je souris à la mort volontaire et prochaine ;
Je me prie, en pleurant, d’oser rompre ma chaîne ;

  1. Édition 1819. Ce morceau avait été en partie mis au jour en 1802, par Chateaubriand dans une note du Génie du Christianisme 2 e partie, liv. iii, ch. 6.